ÉNONCÉ CONCERNANT L’IMPACT DÉMESURÉ DE LA RÉACTION DU QUÉBEC À LA PANDÉMIE SUR LES POPULATIONS MIGRANTES ET LES PERSONNES SANS-ABRI
Le Comité exécutif, le Conseil d’administration et le Conseil législatif de l’AÉUM
Le 12 février 2021
Aux membres de la communauté de l’AÉUM,
Le 4 février 2021, le Conseil d’administration de l’AÉUM a approuvé la motion visant à condamner l’impact disproportionné des mesures de lutte contre la pandémie au Québec auprès des personnes sans abris, qui a été ratifiée par le Conseil législatif de l’AÉUM le 28 janvier. Cette motion a mandaté le Comité exécutif de l’AÉUM, de publier une communication officielle articulant la position de l’AÉUM concernant la réponse du gouvernement du Québec quant à la pandémie.
L’AÉUM dénonce l’impact disproportionné des interventions du gouvernement du Québec face à la pandémie, sur les populations marginalisées, en particulier les personnes sans-abri et travailleurs migrants. Nous sommes en solidarité avec ces groupes affectés de manière injuste et disproportionnée, et nous appelons nos membres à en faire autant.
Le 9 janvier 2021, le gouvernement du Québec a imposé un couvre-feu à l’échelle de la province pour tenter de réduire la transmission collective de COVID-19. Le gouvernement a stipulé que toute personne se trouvant à l’extérieur de son lieu de résidence entre 20 heures et 5 heures du matin risquait une contravention minimale de 1 000 $. Ce dernier a également publié une liste de motifs acceptables permettant de ne pas respecter le couvre-feu, tels que les urgences médicales ou la promenade d’un chien. Le 2 février, le couvre-feu provincial a été prolongé pour deux semaines supplémentaires, avec les zones administratives de niveau orange introduisant un couvre-feu modifié allant de 21h30 à 5h du matin.
Bien que les opinions juridiques divergent quant au droit du gouvernement du Québec d’imposer un couvre-feu, il est apparent que celui-ci l’a fait sans respecter les protocoles juridiques, permettant de justifier une action qui enfreint à la fois la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Selon la décision historique R. c. Oakes [1986] 1 R.C.S. 103, la Cour suprême du Canada a établi des protocoles pour déterminer si la limitation des droits garantis par la Charte et employée par un gouvernement provincial, se dit raisonnable et justifiée de façon démontrable. Ces protocoles n’ont pas été respectés.
De plus, le gouvernement du Québec a refusé d’exempter du couvre-feu la catégorie des personnes sans-abri, le premier ministre Legault ayant déclaré que cela encouragerait d’autres personnes à violer le couvre-feu. Ce dernier a justifié sa décision en disant qu’il y avait suffisamment de lits dans les refuges disponibles pour la population des sans-abri, ce qui selon les travailleurs sur le terrain et les sans-abri, n’est pas du tout le cas. Le Premier ministre Legault a également déclaré qu’il était persuadé que les agents de police ne dresseraient pas de contraventions pour les personnes non hébergées, malgré les témoignages en ce sens. Ces déclarations contrastent fortement avec la position établie par l’AÉUM sur le logement, exprimée dans son livre de positions, selon laquelle « un toit au-dessus de la tête n’est pas un privilège ». Sur cette base, l’AÉUM reconnaît et condamne l’impact néfaste du couvre-feu sur les personnes non logées.
Le couvre-feu affecte également de manière significative les travailleurs migrants, en particulier les travailleurs des agences de placement pour emploi temporaire, les demandeurs d’asile et les individus sans statut, dont le statut d’emploi précaire les rend susceptibles de se trouver à l’extérieur pendant les heures du couvre-feu, sans lettres de passage sûr, et donc vulnérables à la criminalisation. Jusqu’à présent, le gouvernement du Québec n’a rien fait pour répondre à ces préoccupations, malgré de nombreux appels depuis des mois, visant à réduire la vulnérabilité des travailleurs migrants pendant la pandémie.
Tout cela étant considéré, l’AÉUM condamne le degré d’application des mesures punitives du Gouvernement du Québec face à la pandémie, envers les communautés marginalisées, en particulier les sans-abri et travailleurs migrants. De plus, l’AÉUM se montre solidaire envers ces collectivités et applaudit la décision de l’honorable Chantal Masse, d’avoir suspendu l’emploi du couvre-feu pour les personnes sans-abri et toutes autres individus non hébergés.
Enfin, nous invitons les membres de la communauté de l’AÉUM à signer cette pétition qui demande à l’Université Concordia d’utiliser sa résidence actuellement vacante “Grey Nuns” comme refuge temporaire pour les sans-abri, et de soutenir le travail des organismes communautaires comme Meals for Milton-Parc, le Centre des travailleurs immigrants et Pas de solution policière à la crise sanitaire.
Signé,
L’Association Étudiante de l’Université McGill