Au vu des récents développements juridiques, politiques et administratifs qui touchent directement notre communauté étudiante, l’équipe exécutive de l’AÉUM souhaite partager la déclaration suivante, accompagnée d’une FAQ.
Aux membres de l’AÉUM,
Comme vous le savez peut-être déjà, l’administration de McGill a annoncé son intention de mettre fin au tout récemment signé protocole d’entente (MoA) avec l’AÉUM, à la suite d’une grève historique menée démocratiquement par les membres de la communauté étudiante en appui à la libération de la Palestine. Cette grève, qui s’est déroulée du 2 au 4 avril 2025, a été facilitée par l’AÉUM conformément à une motion démocratiquement adoptée par ses membres. Cette motion prévoyait la mise en place d’une programmation alternative pendant la grève et réitérait les demandes de longue date visant à ce que McGill cesse ses investissements dans les technologies militaires et le régime d’apartheid, en conformité avec les politiques existantes de l’AÉUM et les obligations legales internationales.
Un résumé détaillé des événements, du contexte juridique et des prochaines étapes se trouve dans l’affidavit ci-joint et dans la FAQ qui suit.
À la fin de la grève, les responsbles de l’administration ont annulé des rencontres prévues avec les membres de l’exécutif de l’AÉUM. L’administration a ensuite enclenché une série de procédures légales et disciplinaires, en invoquant notamment un incident où une personne employée aurait été éclaboussée de peinture par un individu non identifié — tout en omettant spécifiquement des cas de violence envers la communauté étudiante, dont l’agression qui a mené à l’hospitalisation d’un membre de la communauté par la sécurité de McGill.
L’AÉUM tient à souligner cet incident ainsi que les quatre actions suivantes, qui témoignent d’un schéma préoccupant d’escalade du contrôle institutionnel sur le campus visant non seulement les initiatives de solidarité avec la Palestine, mais aussi la voix étudiante et l’expression politique.
1. Le 4 avril 2025, la vice-provost par intérim Angela Campbell a transmis un avis de résiliation (NoT) du protocole d’entente à la présidence de l’AÉUM, puis a partagé publiquement cette décision le 7 avril. Ce avis est survenu malgré la publication d’une déclaration officielle par l’AÉUM — rédigée à la demande expresse de l’administration qui soutenait que cette déclaration aiderait à éviter une telle résiliation. Le comité exécutif a donc été pris de court par cet avis de résiliation, d’autant plus que McGill a par la suite utilisé cette même déclaration comme preuve devant les tribunaux (pièces P-32 et P-33) pour justifier une injonction demobilisante visant à restreindre les manifestations étudiantes futures.
Dans son message du 7 avril, Campbell a omis des informations critiques, comme le fait que l’AÉUM est une association accréditée dont l’existence est protégée par le droit québécois — et non par le MoA. Ce manque de clarté a conduit à la confusion générale au sein de la communauté étudiante, du personnel et des locataires privés du Centre universitaire, ce qui a mené à la diffusion de désinformation dans les médias. Il nous est important de préciser que l’accès aux services essentiels, aux assurances et à la sécurité d’emploi pour le personnel et les membres de l’AÉUM ne sont pas affecté. De plus, le message alléguait que l’AÉUM « aurait pu et dû » empêcher la ratification de la motion de grève — une affirmation que nous reconnons comme infondée et contredite par l’équipe juridique de McGill devant le tribunal.
2. Le 10 avril 2025, McGill a déposé une demande à la Cour supérieure du Québec afin d’obtenir une injonction provisoire démobilisante de 10 jours interdisant toute manifestation à proximité de ses édifices ou sur les voies, artères piétonnes ou passages du campus — qu’elle soit pro-Palestine ou autre. Bien que cette mesure ait été présentée comme étant motivée par des préoccupations liées à la session d’examens, aucune preuve concrète de perturbations imminentes n’a été fournie par l’Université. Plusieurs déclarations sous serment — dont celles de l’AÉUM, de l’AMURE, de l’AGSEM, de l’AMUSE et de l’AMPFA — se sont opposées à cette injonction, contrastant nettement avec celles de l’administration, qui provenaient uniquement de ses propres responsables. Malgré cela, l’injonction a été accordée le 15 avril, obligeant l’AÉUM à en partager les modalités sur les réseaux sociaux — élargissant ainsi l’impact répressif de la mesure.
3. Le 15 avril à 14 h 11, Angela Campbell a envoyé un message ciblé à tous les représentants et représentantes de la communauté étudiante mcgilloise, intitulé « Favoriser l’inclusivité et la confiance au sein de la communauté étudiante ». Elle y reconnaissait qu’il est « compréhensible de ressentir le besoin d’agir » face à la souffrance humaine, tout en invitant les représentants et représentantes de la communauté étudiante à tout niveaux de à s’abstenir de prendre des positions politiques potentiellement perçues comme problématiques.
Cet argument n’est pas convaincant, surtout lorsqu’on considère l’héritage dont McGill est fière en matière de mobilisations étudiantes — notamment contre la guerre du Vietnam ou l’apartheid en Afrique du Sud. Si on suit la logique de Campbell, il devient impossible pour une association étudiante mandatée de représenter tous ses membres, d’agir si la moindre divergence d’opinion est considérée comme un motif de censure. La Cour suprême du Canada a d’ailleurs rejeté une telle approche en affirmant que « la liberté d’exprimer des opinions consensuelles et inoffensives n’est pas la liberté ».
4. Peu après ce message, le recteur Deep Saini a informé l’ensemble de la communauté mcgilloise que l’injonction avait été accordée, en soulignant qu’elle visait à « défendre vigoureusement la liberté d’expression de toutes et tous ». Ce discours est en claire contradiction avec la portée de l’injonction, qui limite de manière significative les droits de toute personne informée de son existence. En présentant les manifestations pacifiques comme une menace à l’unité du campus, l’administration cherche à redéfinir la liberté académique non comme un espace de débat et de dissidence, mais comme une adhésion obligatoire aux positions institutionnelles.
Au vu de ces quatre interventions, l’administration ne peut plus prétendre ne pas tenter restreindre la dissidence étudiante. Le comité exécutif de l’AÉUM ne prend pas cette observation à la légère. Le recours systématique à des ultimatums, des menaces légales et des messages semant volontairement la confusion témoigne d’une tentative délibérée d’étouffer la participation politique étudiante. S’ajoute à cela, l’utilisation que fait l’administration, dans les affaires judiciaires, de sources islamophobes et arabophobes — comme Sky News, un site web basé en Australie — tout en qualifiant la grève d’antisémite. Une déclaration politique et problématique qui est de plus contredite par la participation en nombre de membres de la communauté étudiante juive affirmant que l’anti-sionisme n’est pas antisémitique .
En soutenant ces dangereux stéréotypes, McGill semble contrevenir à ses propres politiques de lutte contre la discrimination. C’est pourquoi l’AÉUM soutient l’observation faite par The McGill Tribune, que l’administration « crée l’environnement hostile qu’elle prétend attribuer à l’activisme pro-palestinien » . Alors qu’elle a pu le faire dans le passé, comme en réponse à l’apartheid en Afrique du Sud en 1985 ou dans le cas des combustibles fossiles en 2023, l’Université refuse cette fois-ci d’examiner des solutions non judiciaires, comme le désinvestissement. Pourtant, face au génocide du peuple palestinien, la haute direction de l’Université et le Conseil des gouverneurs choisissent de s’enfermer dans la complicité plutôt que d’assumer leurs responsabilités.
Malgré cette situation difficile, l’AÉUM reste engagée à défendre la voix de la communauté étudiante et à protéger son droit à l’expression démocratique. Elle demeure disposée à négocier de bonne foi avec McGill, tout en veillant à défendre les intérêts de ses membres.
Enfin:
- Pour toute suggestion concernant le processus de médiation ou le rôle de l’AÉUM et du MoA, veuillez remplir ce formulaire ou écrire à la présidence à president@ssmu.ca.
- Pour participer aux consultations du comité de négociation, contactez la vice-présidence aux affaires externes à external@ssmu.ca,
- Les séances publiques du Conseil d’administration de l’AÉUM demeurent ouvertes aux membres — pour y assister, écrivez à speaker@ssmu.ca.
Cordialement,
L’équipe exécutif de l’AÉUM
Foire aux questions (FAQ)
Q : L’AÉUM a-t-elle besoin du protocole d’entente (MoA) pour exister ?
R : Non. Le statut légal de l’AÉUM en tant qu’association étudiante accréditée est protégé par le droit québécois, et non par l’Université McGill. La Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants garantit à l’AÉUM le droit de représenter la communauté étudiante, de défendre les intérêts de ses membres et de prélever des cotisations.
McGill est tenue de continuer à reconnaître l’AÉUM et à lui transférer les cotisations étudiantes approuvées, à moins que son accréditation soit révoquée — un processus hors du champ d’application de toute résiliation du MoA, quelle qu’elle soit. Le protocole d’entente gère principalement des questions logistiques, comme l’accès aux locaux et l’utilisation du nom « McGill » pour les clubs affiliés à l’AÉUM. Toutefois, l’AÉUM demeure une association élue et légalement reconnue.
Contrairement à McGill, la plupart des associations étudiantes de premier cycle au Québec — notamment celle des université Concordia (CSU), Laval (CADEUL), Sherbrooke (FEUS) et l’UdeM (FAÉCUM) — n’opèrent pas avec un MoA à durée déterminée. Leur reconnaissance et leur relation avec l’université relèvent plutôt d’un cadre d’accréditation provincial et de règlements internes.
Q: Qu’est-ce qu’un avis de résiliation (NoT) du MoA ?
R : L’avis de résiliation (NoT) est un mécanisme nouvellement introduit dans le récent protocole d’entente (MoA) signé en février 2025. Il remplace le système précédent, plus punitif, appelé avis de manquement (NoD). Sous l’ancien protocole, McGill pouvait placer les finances de l’AÉUM sous fiducie et imposer une surveillance accrue — ceci permettait à l’Université d’exercer un contrôle disproportionné sur les activités de l’AÉUM.
Le mécanisme actuel permet à McGill ou à l’AÉUM de résilier l’entente pour tout motif, ce qui déclenche automatiquement un processus de médiation obligatoire comportant six (6) séances réparties sur deux (2) mois. Malgré son nom inquiétant, cet avis ne remet nullement en question l’accréditation de l’AÉUM, sa capacité à prélever les cotisations, ni sa capacité de plaidoyer pour les enjeux sociopolitiques et autres.
Q : Quelle est l’historique des recours au NoT et au NoD dans le contexte de l’AÉUM ?
R : La décision actuelle de l’Université d’émettre un avis de résiliation (NoT) s’inscrit dans une tendance plus large de pressions exercées envers l’AÉUM — une approche déjà adoptée par le passé à travers les avis de manquement (NoD). Un récapitulatif de ces précédent avis se trouve ici. Entre 2019 et 2024, McGill a émis de tels avis presque chaque année — souvent à la suite de prises de position en solidarité avec la Palestine, et non du fait de manquements clairs aux procédures.
Ces avis étaient généralement confidentiels et non rendus publics. Il faut également souligner que plusieurs de ces NoDs ont été déclenchés pour des clauses valeures constitutionnelles générales, comme celles figurant dans le préambule de l’AÉUM, que l’administration estimait violées lorsque l’AÉUM soutenait des causes politiques. Toutefois, dans une décision rendue en 2025, la Cour d’appel du Québec a mis en garde contre une interprétation de ces clauses qui limiterait l’expression politique étudiante.
Q : Quels sont les effets à court et à long terme d’une perte du MoA si la médiation échoue ?
R : Si la médiation échoue et que le MoA est résilié, des perturbations à court terme pourraient affecter la communauté étudiante — notamment en ce qui concerne l’accès à des locaux et aux droits de dénomination. En effet, l’Université pourrait ainsi choisir de révoquer l’accès de l’AÉUM au Centre universitaire (3480 rue McTavish) ainsi que d’interdire à ses clubs d’utiliser le nom « McGill ». Ces privilèges sont spécifiquement accordés dans le cadre du MoA.
Cependant, l’AÉUM conserverait son statut légal comme représentante accréditée de la communauté étudiante en premier cycle à McGill et poursuivrait ses activités de manière autonome. En cas d’expulsion du Centre universitaire, l’AÉUM pourrait louer un espace alternatif à proximité du campus pour continuer à offrir des services, selon les préférences exprimées par ses membres de façon démocratique et référendaire.
Même si le MoA prend fin, l’administration pourrait toujours permettre à l’AÉUM de continuer d’occuper le Centre universitaire, par une entente écrite selon les modalités de la section 18.2 et de l’annexe E du MoA. Il est également à noter que McGill s’est déjà retirée de ses engagements contractuels passés garantissant un bail, alors même que le protocole de l’époque incluait une telle garantie — contrairement à celui en vigueur aujourd’hui. Étant donné que l’AÉUM a contribué financièrement aux rénovations du Centre universitaire, elle espère que l’administration reconnaîtra son rôle essentiel dans la vie étudiante et respectera l’accès à cet espace de bonne foi.
Q : McGill peut-elle empêcher l’AÉUM d’exprimer des positions politiques ?
R : Non. L’AÉUM est un corps démocratique régi par sa Constitution et la volonté de ses membres. Toute tentative visant à imposer une neutralité politique constitue une violation des droits de notre communauté étudiante, selon les lois québécoises et canadiennes. La structure de gouvernance de l’AÉUM repose notamment sur des référendums démocratiques qui doivent être respectés, sauf s’ils enfreignent des normes juridiques concrètes et étroites — ce qui n’est pas le cas du désaccord évoqué par Campbell dans son message du 15 avril. Comme l’a rappelé la Cour d’appel du Québec :
« Sauf raisons impérieuses, les tribunaux n’ont pas compétence sur la gestion interne des corporations privées à but non lucratif, tant qu’elles agissent de bonne foi et dans les limites de leurs pouvoirs. »
Q : À quoi ressemblera le processus de médiation ?
R: Conformément à la section 16 du Protocole d’entente (MoA), l’AÉUM participe actuellement à un processus de médiation à la suite de l’avis de résiliation émis par l’administration. Chaque partie a désigné deux personnes déléguées de haut niveau tout en respectant le délai de trois jours ouvrables, et une personne médiatrice impartiale, approuvée par les deux parties, est en cours de nomination. Ce processus prévoit six (6) séances de médiation réparties sur deux (2) mois, avec possibilité de prolongation par entente mutuelle. Pendant toute cette période, le MoA demeure en vigueur (articles 16.1 à 16.6).
L’équipe de négociation de l’AÉUM est composée de la présidence (Dymetri Taylor) et de la personne conseillère juridique interne, sous la supervision du Conseil d’administration. Un comité de négociation, formé de personnes élues et de membres issus de diverses associations étudiantes de McGill, a également été mis sur pied. L’AÉUM s’engage à participer à la médiation de bonne foi et à respecter la confidentialité des échanges (§16.7–16.8).
Q : Comment soumettre un commentaire ou participer au processus de médiation ?
R : Pour toute suggestion sur le processus de médiation ou le rôle plus large de l’AÉUM et du MoA, veuillez remplir ce Google form ou écrire directement à la présidence à president@ssmu.ca.
Pour participer aux consultations du Comité de négociation, contactez la vice-présidence aux affaires externes à external@ssmu.ca.
Les séances publiques du Conseil d’administration de l’AÉUM demeurent ouvertes à toustes les membres — écrivez à speaker@ssmu.ca pour savoir comment y assister ou y intervenir.